le Half Gravel Tour du Mont-Blanc

Un mardi matin brumeux dans ma tête, je prends une décision égoïste de m’inscrire à une course… Mais pas n’importe laquelle…

Faisant un peu de course à pied en montagne, j’ai pu m’inscrire sur des courses dans la vallée comme le p’tit TAR ou l’OCC à deux reprises.

Maintenant, le vélo a pris le dessus. Les longues heures de selle m’attirent inexorablement dans des défis impitoyables. Il me fallait une course de Gravel dans la vallée pour ma première…

Après la Race Accross France en juin…

Un mardi matin brumeux dans ma tête, je prends une décision égoïste de m’inscrire à la Half Gravel Tour du Mont Blanc qui se déroule le samedi suivant… 4 jours après… Un coup de tête… Un coup de folie… Mais le meilleur que j’ai pu faire.

Cette course, c’est 140 km et 4 500 mètres de dénivelé entre Courmayeur et Megève tout en passant par le col Ferret, la Fouly, Champex-Lac, Martigny, Finhaut, Col des Montets(la maison), Argentière, Col de Voza, et Saint Nicolas de Véroce.

Nous allons parler ici de roulage, poussage, portage, nous allons parler de route, sentier, chemin, nous allons parler de vélo sans fourche, de casque rose, de dos sans airbag et surtout nous allons parler des larmes que j’ai eu en passant la ligne d’arrivée.

Vendredi 18h30

Megève - Palais des Sports – Briefing

Sur le site internet, la course se veut comme une des plus dures au monde… Ceci explique peut-être le peu de personne inscrit sur les deux courses… Ou peut-être tout simplement, car c’est la première édition... Je pense que c’est cela…

Nous sommes une petite cinquantaine répartie sur le tour complet du Mont Blanc ou la moitié, comme je vais le faire. Le briefing se déroule super vite. Nous avons les horaires de la navette du lendemain, la barrière horaire, le fonctionnement de la balise GPS et le tout est traduit en anglais par la seule concurrente féminine qui partira sur le grand tour : Ali Gibb

Samedi 6h

Megève - Palais des Sports

Je pars à 5h30 en vélo de l’appartement à Demi-Quartier, entre Combloux et Megève pour me rendre aux navettes et je me reçois sans l’avoir prévu un déluge de pluie sur la tête. J'arrive au point de rendez-vous trempé et transi de froid… La course n’a pas commencé, nous avons 1h de navette pour Courmayeur et je suis gelé…Argh que faire…

Nous installons les vélos dans les navettes, je m’assois dans un fourgon et j’enlève tous mes habits que je donne au chauffeur pour qu’il puisse les mettre sur les ventilos de la voiture avec chauffage à fond. J’ai l’extrême chance de me retrouver avec deux participants incroyables dont Julien Conan, journaliste pour les magazines Vélovert, Gravel Magasine et Vélo de route qui me prête une doudoune chaude pour le trajet… Je me réchauffe durant l’heure de voiture…

Samedi 8h

Parking du Skyway

Nous sommes une petite vingtaine à attendre le décompte…

5,4,3,2,1 goooo

Julien Conan et Sébastien Jarrot prennent tout de suite le lead, Ignacio Morales et Blaise Raybaud forment le deuxième groupe et moi, je suis avec Cédric Leroy… Nous remontons le Val Ferret à un rythme que je trouve soutenu mais tenable…11Km où l’on passe devant des magnifiques chalets, où l’on voit sur notre gauche les glaciers et les sommets mythiques dont les noms ont bercés mon enfance…

Bam on quitte la route, on quitte le goudron, et Cédric Leroy me quitte… Il me met une brindille et je ne le verrai plus. Ma grande journée tout seul va commencer…6ème position et le début de mon grand voyage…

Je suis sur mon vélo jusqu’au refuge Elena avec de beaux lacets sur un chemin forestier au top.

Puis vient le temps du poussage et du portage qui dure environ 1h pour arriver au sommet du Col Ferret. Une montée éprouvante mais exaltante, j’ai pu crier au sommet ma joie incontrôlable d’être là, à l’instant présent, et de vivre.

Je vais vous avouer une chose, la descente du col Ferret sur la Fouly par les sentiers, c’était juste ma troisième descente technique de ma vie en #gravel, autant vous dire tout de suite une chose, mon corps vibrait intégralement une fois que nous avons retrouvé la route… De Dieu, les bras… De Dieu, les mains et la nuque… Une souffrance, mais c’était tellement beau, tellement incroyable que l’on oublie tout ceci… Superbe descente sur sentier, chemin forestier bien mouillé et route pour arriver à…

Samedi 10h35

Ravitaillement la Fouly

… La Fouly accueilli comme un roi par ink_dams qui me prépare même un sandwich jambon beurre…

On rigole bien, le concurrent devant moi à 6 minutes d’avance… Photo et c’est parti pour la longue descente en vélo sur la route de 10 km environ avant de partir sur la gauche sur un petit sentier on l’on est obligé de pousser direction Champex-lac… Durant la montée, je me change, j’enlève les jambières et le maillot manche longue pour être en court. Je bois à la fontaine connue des randonneurs et je continue de pousser jusqu’à la route… La fatigue commence à arriver sérieusement, mais je gère.

Après le passage du lac, nous avons une belle descente sinueuse et sous la pluie... Puis nous rejoignons la nationale jusqu’à Martigny et Vernayaz, que l’on traverse pour atteindre le début de la route des diligences. Avant la montée, je m’arrête dans un bistrot pour remplir mes gourdes et boire un Coca…

Et là… Le calvaire commence…

3.4 km d’ascension et 470 mètres de dénivelé. 14 % de moyenne sur chemin… Et ben j’ai poussé, j’ai dû faire en tout 500 mètres sur mon vélo… ENSUITE, CE N’EST PAS FINI. Le Trétien jusqu’à Finhaut pour 3 km et 275 mètres de dénivelé. Je l’avoue, j’ai douté, j’ai craqué, mais j’ai résisté, car nous arrivons sur mes routes… Mes routes d’entraînements qui vont nous mener au col des Montets. Descente de Finhaut par la route à fond, montée sur la droite de la route par Barberine, passage de Vallorcine. J’arrive chez moi, je suis tout excité… Je monte le chemin du col assez rapidement et je me tape une crampe monumentale à 5 mètres du panneau du col. Je suis obligé de m’arrêter et de me mettre au sol…La douleur et super forte... Je bois, m’étire, prends une photo de souvenirs et descends à fond sur Argentière.

Samedi 15h14

Ravitaillement Argentière

Me voilà enfin au ravitaillement, on me demande de vider mon sac pour contrôler les affaires obligatoires.

On me signale que Julien Conan, le premier, a dû abandonner à cause d'élongation, car pour tout vous dire, il n'a pas fait cette course avec son velo, mais avec un prêt et il n'a pas pu gérer la hauteur de selle.

Me voilà donc 5ème, waou... Le top 5...

Mais la réalité me rattrape, comment faire pour arriver à Megève avec encore le col de Voza et autres montées vers Saint Nicolas de Véroce... Je bois du coca, de l'eau, je mange du taboulé que j'asperge de sel. Il faut que je contienne mes crampes pour maintenir cette position.

À ce moment précis, je change de vision, je change de cap, je change de motivation, j'ai 45 min d'avance, mais je ne suis vraiment pas top au niveau des jambes. Je vais et je dois résister.

Je commence le long toboggan jusqu'au Houches où je mange encore sur le vélo une banane.

Les premières pentes commencent et déjà, je galère. Je suis presque sur le vélo sur toute la partie goudronnée. Toute ? Pas tout à fait, à 400 mètres du chemin, je pose déjà le pied-à-terre, car je sens que les crampes de ne sont pas loin.

La longue montée du col de Voza commence où je pousse pratiquement pendant 6 km à un rythme très soutenu.

Je vois le photographe au loin et pour la postérité, je monte sur le vélo, mais je fais 2 tours de pédales et je me couche au sol... La honte... Je vais donc marcher jusqu'au sommet. Puis, descente ultra-technique pour moi en gravel, légère montée sur la gauche et une nouvelle descente ultra-technique avec une belle chute. Aïe le dos sans airbag... Je me relève vite et continue.

Après un arrêt à un barbecue de Chasseur pour charger en eau, on attaque la pente goudronnée jusqu'à saint Nicolas de Véroce... Je n'ai pas fait un mètre sur mon vélo... Deuxième honte, ma course de vélo se transforme en trail hahaha...

À 18 h 10, je m'arrête dans un bar dans la montée pour boire un coca et on continue encore... Le GPS me dit que je viens de finir la dernière montée...Youpi... Mais je me perds... Je vois des fanions, mais d'une course qui a eu lieu en juin et mon GPS me dit de partir sur la gauche en plaine prairie... Je dois perdre environ 15 minutes avant de prendre la décision de suivre les fanions qui fut la bonne...

Et là, il doit rester encore 10-15 km et je suis en feu, je dois être a environ 30kmh de moyenne sur la grande traversée direction Megève. L'émotion arrive, mais je m'interdis de l'accepter, car je peux encore crever ou chuter...

J'entends la Speakerine JoolsBee... Puis j'entends Alexandra hurler dans le micro... Il doit me rester 500 mètres...

Samedi 19h40

Arrivé Megève

Waou, je vais finir cette course... Je vais finir 11 h 40 de vélo sur un vélo en aluminium de 12 kg... Je vais finir ma première course de gravel... Droite - gauche - droite, je pousse sur les jambes, je passe la ligne et je m'effondre en pleurant... Tellement d'émotions... Alexandra et mes enfants me sautent dans les bras... Indescriptible... J'ai fini... J'ai fini 15 minutes devant le 6ème... J'y suis arrivé... Je lâche tous les sentiments que j'ai bloqués pendant les 15 derniers kilomètres...

C'est la première fois que j'ai fait une course à fond, une course où je voulais voir mes limites...

Une semaine et demie après je peux vous dire une chose, j'ai été mordu par cette course, mordu pour le gravel, mordu par cette ambiance, mordu par cet effort, mais c'est moi qui croque la vie qui m'est offerte... J'ai de la chance d'être entouré par des gens d'une très grande valeur, d'avoir des amis exceptionnels qui me comprennent et m'acceptent...

Et j'ai surtout une famille magique, formidable qui accepte beaucoup trop de choses pour que je puisse croquer ma vie à vélo à pleines dents...

Le casque rose a souffert, le casque rose à hurlé de bonheur, a pleuré de souffrance et de joie, mais grâce à cette course, le casque rose a compris l'importance d'être entouré par des personnes de haute qualité et d'avoir une famille aussi incroyable... Alors merci... Tout simplement merci...